dimanche 17 février 2013

Reportage : Vive le serpent !

Attention, on change d'année au calendrier soli-lunaire ! Un animal chassant l'autre, le Dragon va retourner dormir pendant 12 ans, et le Serpent s'installe pour un an dans le ciel astral vietnamien. Pour moi, l'occasion de savoir, comme chaque année, ce que l'année prochaine nous réserve...

Je n'oublie jamais que le Vietnam est le pays des géomanciens... Vous savez bien, ces personnes capables, entre autres, de deviner l'avenir en analysant des figures composées de combinaison de points et de traits. Un sacré boulot quand on sait que cet art se pratique à partir du tirage au sort de 4 des 16 figures de base, combinées entre elles parmi plus de 65.000 possibilités ! Autant dire que n'est pas géomancien qui veut, et qu'il faut s’en ingurgiter de la pratique divinatoire pour arriver à ne pas mélanger les traits et les points... Mais le jeu en vaut la chandelle, car le chômage, le géomancien connaît pas : dates de mariages, enterrements, orientation des sépultures, des monuments, des maisons, maladies, affaires..., et j'en passe et des meilleures ! Le géomancien est mis à toutes les sauces, et notamment quand il s'agit de lire les prévisions de notre vie pour l'année nouvelle. Comme je ne suis pas géomancien, je me contente de ce que la littérature horoscopique ait pu m'offrir...

Bon appétit !

Je me suis d'abord intéressé au Serpent, bête peu sympathique pour un Occidental, dont la culture judéo-chrétienne, malgré les siècles de laïcité, renvoie toujours au coup de Jarnac dont il fut l'auteur contre notre Ève ancestrale.
Pour le Vietnamien, outre l'animal qui présidera aux destinées de cette année, le serpent est d'abord un mets succulent que l'on partage entre amis dans des restaurants spécialisés. Je connais notamment un quartier de Hanoi, ancien village absorbé par la mégapole, où le serpent est persona grata.
Je me souviens y avoir été pour la première fois, il y a vingt ans, lors de mon arrivée au Vietnam. C'était une façon de me bien recevoir que mes hôtes vietnamiens veulent manifester en m'invitant cordialement à des agapes saurophidiens. En guise d'accueil, on me pousse vers une citerne en ciment au fond de laquelle grouille un amas de serpents qui se livrent à une orgie que n'aurait pas reniée la Rome antique. Avec un sourire chaleureux, le maître de maison m'invite à y plonger la main pour saisir l'animal qui semblerait convenir à mon appétit. N'ayant ni appétence reptilienne, ni conviction que malgré les affirmations, ces "braves bêtes" soient totalement inoffensives, je décline l'offre à l'argument que n'y connaissant rien, je laisse mon hôte choisir lui-même notre repas !
En une seconde, la main plonge dans le magma écailleux et en retire un long reptile qui semble déjà résigné à être le plat de résistance du déjeuner...

Le serpent est d'abord un mets succulent que l'on partage entre amis dans des restaurants spécialisés. 

Je vous passe les détails du serpent dépouillé en direct devant moi, du verre de l'amitié que l'on me propose, cocktail d'alcool et de sang du serpent, et qui est censé donner forte virilité à l'honnête homme !

Malgré le peu d'appétit qui me reste après avoir survécu à toutes ces épreuves, je dois faire honneur aux plats qui se succèdent sur la table : serpent frit, bouilli, sauté, rôti, haché... J'ignorais qu'il pouvait y avoir autant de façons de consommer l'animal !

Depuis cet épisode, je n'ai jamais plus avalé du python ou l'un quelconque de ses congénères...

Cependant, à l'aube de l'année du Serpent, je suis un peu inquiet : pourvu que cette bestiole n'ait pas une mémoire d'éléphant et ne profite de son statut particulier pendant un an pour se venger de mon opiophagie !

À votre santé !



Heureusement, le Serpent, celui qui fait partie des 12 animaux sélectionnés par l'Empereur de Jade, me paraît plutôt sympathique. Symboliquement associé à la sagesse, la culture, la réflexion, la créativité, la connaissance de soi, il ne saurait qu'être de bonne compagnie !

D'ailleurs, il semblerait que, sous ses auspices, l'année 2013 devrait être "caractérisée par un calme relatif et par une certaine sagesse collective. On commencera à se rendre vaguement compte de la futilité de l'agitation humaine, et on se sentira plus porté vers la philosophie et la méditation". Ah, voilà qui me satisfait ! Poussons un peu plus loin et regardons ce que, moi Buffle, je peux attendre de particulier de ce serpent philosophe...

D'abord, comme le dit le dicton "Vaut mieux bonne santé que grande richesse", alors allons voir mes espérances de ce côté. "Avec le gentil astre Tu Vi trônant dans un de vos secteurs de santé, vous n'aurez rien à redouter". Magnifique, formidable, j'exulte, je trépigne de joie. Grâce au serpent, me voilà avec une santé de fer cette année. Finie la sale bronchite qui m'a clouée au lit pour le Têt Tây (Nouvel An du calendrier solaire), finie l'arthrose, les courbatures, l'insuffisance respiratoire, la cardiopathie, la jaunisse, la sinusite et les démangeaisons. Je vide mon armoire à pharmacie, j'incinère mes antibiotiques, j'oublie mes vitamines ! Je revis !

J'ai cependant l'impression que l'aimable reptile me garde un chien de sa chienne, car une petite phrase tempère mon enthousiasme : "Seul point à surveiller : une certaine difficulté digestive". Mais puisque j'ai juré de ne plus jamais manger du serpent, il n'y aurait pas moyen de s'arranger un peu sur ce coup là ?

Mais comme "le travail c'est la santé", il me semble important de savoir si je dois me tuer au travail ou non ! Et là, ça se complique un tout petit peu : "Avec l'astre Thiên Phuc en cet aspect, vous pourrez envisager votre avenir professionnel avec confiance. Veillez simplement, dans ce domaine comme dans d'autres, à ne pas vous laisser trop influencer par l'astre Cu Môn : si vous vous montrez trop exigeant, vous ne profiterez pas à fond du soutien de l'astre Thiên Phuc". Facile ! Sauf que hormis savoir que Cu Môn est le 8e et Thiên Phuc le 84e des 111 astres de l'astrologie vietnamienne, je n'ai pas de relations privilégiées avec l'un ou l'autre. Moi, je veux bien me méfier de Cu Môn, mais à part brûler en son honneur chaque matin une centaine de bâtons d'encens dans chaque pièce de ma maison, je ne vois pas très bien comment faire ?

Bon, il est temps que je referme mon livre de divination et que je médite sur tout cela. Mais je ne vous quitterai pas sans vous avoir souhaité une merveilleuse année du Serpent, qu'elle porte le plus beau de vos rêves et le plus doux de vos bonheurs...

Gérard BONNAFONT/CVN



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